Le site de Ploumanac’h et, plus généralement, les paysages côtiers de Perros-Guirec ont connu, au cours de l’été 1913, un passionnant « épisode cubiste ». Plusieurs jeunes peintres, fascinés par les prodigieux amoncellements rocheux de cette côte, se sont exercés à une nouvelle façon de peindre. C’est ainsi que, guidés par Henri Le Fauconnier qui fréquentait déjà ces rivages depuis 1907, André Favory, Conrad Kickert, Thadée Makowski ou Yves Alix ont adopté cette nouvelle approche cubiste visible tant dans la décomposition des volumes autant que dans la simplification des règles de la perspective classique.
Dans ces deux œuvres d’André Favory, on remarquera en tout premier lieu le choix opéré par l’artiste de comprimer l’étendue du ciel et de relever l’horizon. Même limité à une étroite bande, le ciel vibre de subtils entrelacs affectant parfois la forme d’une coquille d’escargot pour traduire le mouvement des nuages. Mais André Favory concentre surtout ses effets dans l’analyse des masses compactes formées par les gigantesques blocs rocheux rythmant la campagne aux abords du port de Perros-Guirec ou émergeant des proches rivages. Le modelé des roches oppose contours souples et formes anguleuses et se décompose en une vision prismatique à laquelle répond, en un écho adouci, les meules des champs de blé dorés ou l’écume lumineuse du paysage marin. Nous assistons ici véritablement à l’invention d’un nouveau vocabulaire pictural qui, le temps d’une saison, atteste de la diffusion du cubisme en Bretagne.
Toutefois, ce moment ne connaîtra pas de lendemain pour André Favory qui va se détourner de la modernité après la Première Guerre mondiale. Désormais, ce peintre qui avait su produire des études originales lors de son séjour breton se spécialise dans la peinture de nus opulents, de paysages réalistes et de natures mortes chargées.