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René Iché (1897-1954) - "Louise Hervieu", 1937-1939- Granit, 47 x 27 x 26 cm © Bernard Galéron / ADAGP, Paris, 2024

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2 dons de René Iché

Suite à l'exposition consacrée au sculpteur et à ses relations aux poètes à l'hiver 2023/2024 au musée, la petite-fille de l'artiste a souhaité donner 2 œuvres phares à la collection quimpéroise : une médaille à l'effigie de Max Jacob et un buste de Louise Hervieu.

René Iché est un artiste engagé, remarquable représentant de la sculpture moderne de l'entre-deux-guerre. Il rentre d'abord profondément marqué de la Grande Guerre, éprouvé par la disparition d’Apollinaire rencontré durant une permission. Après-guerre, dans son sillage, il se mêle à l’effervescence créatrice de l’avant-garde parisienne et entretient un dialogue fécond avec les aînés des surréalistes, surtout Max Jacob. Puis il se lie avec les surréalistes en personne : André Breton, Paul Eluard, et Louis Aragon. Cette relation privilégiée aux poètes et gens de lettres l’a mené à créer des portraits, à la forme, aux échelles et aux fonctions diverses : bustes, médailles, masques, tombeaux, monuments. 

Les deux œuvres que sa petite-fille, Rose-Hélène Iché, offre au musée s’inscrivent dans ce registre mémoriel intime ou collectif.

La première est une médaille de Max Jacob qui vient compléter une série dont le musée possède déjà deux exemplaires, datés de 1947. Sa méthode de travail est connue car le sculpteur l’a narrée dans une lettre adressée à André Gide le 12 octobre 1950 : « Une seule séance d’une heure peut me suffire. Je modèle un peu de plastiline collée sur une plaque 9/12 que je tiens dans le creux de ma main, pendant que nous causons… C’est ainsi que j’ai fait la médaille de Max ». L’avers de la médaille de 1935 présente un profil épuré du poète, dans le style des médailles de la Renaissance italienne qu’Iché a découvertes lors de l’exposition consacrée à Pisanello en 1932. Le revers cumule quant à lui tous les symboles : une pile de livres évoque la carrière littéraire de Max Jacob, ses attributs du dandy (chapeau haut-de-forme et canne), tandis que le Sacré-Cœur et un calvaire breton renvoient à ses origines et à sa foi catholique, enfin l’étoile dans le ciel est un clin d’œil à son génie et à sa passion pour l’astrologie (évoquée aussi par le crabe symbole du cancer le signe astrologique du modèle). La légende de l’avers, « A Max Jacob… et sans laurier », est une allusion à la caricature du poète esquissée par Picasso en 1928 (dessin conservé au musée des Beaux-Arts d’Orléans. Cette version de 1935, d’abord fondue par Iché lui-même, fut ensuite éditée par Godart à Malakoff puis diffusée par souscription à compter de mai 1935 (100 exemplaires en bronze, 20 en argent). Iché la reprend en 1947 : il supprime alors l’allusion au dessin de Picasso et ajoute les dates de Max Jacob ainsi qu’un pot à pinceaux au revers afin d’évoquer l’activité de plasticien du poète. Cette médaille sera diffusée par la Monnaie de Paris à partir de 1949 puis elle sera reprise en plâtre, sous la forme d’un médaillon de 23 cm de diamètre, pour orner le tombeau du poète en 1950, plâtre conservé au musée des Beaux-Arts d’Orléans).

La seconde œuvre se rapporte à la mémoire de Louise Hervieu (1878-1954) et constitue une des variantes de ce portrait qu’il déclina en masque, plaquettes et médailles.
Louise Hervieu, artiste et autrice, instauratrice de haute lutte du Carnet de Santé, pose pour ce portrait alors qu'elle vient d’obtenir le Prix Fémina (pour son ouvrage Sangs) et réside dans l’immeuble du 55 rue du Cherche-Midi à Paris où Iché vient d’installer son vaste atelier. Issu d'un premier médaillon en plâtre, puis d'un masque en cire puis d'un buste de plâtre, Iché transpose celui-ci dans le granit noir, en conservant le port altier d’Hervieu mais dans une formule plus synthétique qui atténue le physionomie maladive du modèle. Iché laisse toutefois deviner à travers le buste étroit et les traits émaciés la santé fragile et la vulnérabilité de Louise qui souffre de la syphilis depuis la naissance. Iché ajoute une référence directe à la statuaire antique qu’il observe lors de ses visites régulières au Louvre. En effet, le choix du matériau, le granit noir - insolite dans son œuvre - est une citation du basalte utilisé dans la statuaire sumérienne et de la diorite de l’Égypte antique. De même, le visage impassible et les yeux grands ouverts font référence aux effigies de Goudéa ou de certains pharaons, s’inscrivant en cela dans ce goût d’une statuaire « des origines » communs aux sculpteurs de cette première moitié du xxe siècle.