L'ESPRIT DE TERRE
1974-1975
L’œuvre d'Yves Doaré s’insère dans une chronologie assez précise. De 1970 à 1990, il a exclusivement pratiqué la gravure sur cuivre, puis il s’en est progressivement détaché au profit du bois. Enfin, depuis maintenant plus de dix ans, il a cédé à l’appel de la peinture.
La donation réalisée au profit du musée de Quimper s’inscrit dans la continuité de l’exposition que le musée lui a consacrée en 2005. La donation s’est déroulée en deux temps : en 2006, l’artiste a donné essentiellement des gravures sur cuivre ; puis en 2013, il apporte un complément de gravures sur bois. Au total, cela représente un ensemble de cent deux œuvres.
L’artiste a longuement réfléchi à la sélection des gravures. A travers ce choix, il est désireux de montrer l’ensemble de son travail et ses métamorphoses successives :
- L’accumulation, la déformation et la précipitation des formes caractérisent les œuvres de jeunesse. On y distingue ainsi dans les plis d’un graphisme répété, des corps étirés, compressés qui semblent difficilement s’extraire des strates d’un paysage singulier, comme dans La Cause de l’accident (1971) ou La Modification (1973).
- Les œuvres produites à partir des années 1980 participent d’un esprit visionnaire et montrent une maîtrise technique accomplie. Elles développent quelques thèmes récurrents. En premier lieu, la plongée dans l’organique : l’image, sous l’incise du burin et par la main d’un artiste équarisseur, s’ouvre aux profondeurs de l’anatomie pour célébrer au vif les beautés inattendues des viscères, des tendons et des muscles (Le Chercheur d’âmes (1979) et Chimère I (1984)) ; il faut y ajouter la célébration du monstrueux avec des spécimens inquiétants, hybrides à la fois zoomorphes et mécanomorphes (Piège II (1983) et Ange (1984)). L’exaltation du chaos, de la forme fragmentée et pulvérisée revient également de manière assez fréquente. En dernier lieu, on note des paysages métaphysiques, nourris de références multiples, à l’ampleur stupéfiante au regard du format (Hommage à Seghers (1985), Tombeau d’Héraclite (1986)).
- Les œuvres totémiques aux formes jaillissantes et abréviatives sont plus récentes et sont associées à l’adoption du bois. Cette technique a permis à l’artiste d’assouvir sa quête d’unité. Il a pu y faire naître, aux antipodes du corps héroïque, des corps totems, à l’exemple de Blopblop (20007) ou du Christ barbouillé (2007). Ces estampes ont la densité et l’efficacité de l’effigie. L’artiste ne les considère pas en rupture avec ces travaux précédents. Il y voit davantage la considération amplifiée du détail.
Yvon Le Bras
Historien de l'art
L'ESPRIT DE TERRE
1974-1975
L’œuvre d'Yves Doaré s’insère dans une chronologie assez précise. De 1970 à 1990, il a exclusivement pratiqué la gravure sur cuivre, puis il s’en est progressivement détaché au profit du bois. Enfin, depuis maintenant plus de dix ans, il a cédé à l’appel de la peinture.
La donation réalisée au profit du musée de Quimper s’inscrit dans la continuité de l’exposition que le musée lui a consacrée en 2005. La donation s’est déroulée en deux temps : en 2006, l’artiste a donné essentiellement des gravures sur cuivre ; puis en 2013, il apporte un complément de gravures sur bois. Au total, cela représente un ensemble de cent deux œuvres.
L’artiste a longuement réfléchi à la sélection des gravures. A travers ce choix, il est désireux de montrer l’ensemble de son travail et ses métamorphoses successives :
- L’accumulation, la déformation et la précipitation des formes caractérisent les œuvres de jeunesse. On y distingue ainsi dans les plis d’un graphisme répété, des corps étirés, compressés qui semblent difficilement s’extraire des strates d’un paysage singulier, comme dans La Cause de l’accident (1971) ou La Modification (1973).
- Les œuvres produites à partir des années 1980 participent d’un esprit visionnaire et montrent une maîtrise technique accomplie. Elles développent quelques thèmes récurrents. En premier lieu, la plongée dans l’organique : l’image, sous l’incise du burin et par la main d’un artiste équarisseur, s’ouvre aux profondeurs de l’anatomie pour célébrer au vif les beautés inattendues des viscères, des tendons et des muscles (Le Chercheur d’âmes (1979) et Chimère I (1984)) ; il faut y ajouter la célébration du monstrueux avec des spécimens inquiétants, hybrides à la fois zoomorphes et mécanomorphes (Piège II (1983) et Ange (1984)). L’exaltation du chaos, de la forme fragmentée et pulvérisée revient également de manière assez fréquente. En dernier lieu, on note des paysages métaphysiques, nourris de références multiples, à l’ampleur stupéfiante au regard du format (Hommage à Seghers (1985), Tombeau d’Héraclite (1986)).
- Les œuvres totémiques aux formes jaillissantes et abréviatives sont plus récentes et sont associées à l’adoption du bois. Cette technique a permis à l’artiste d’assouvir sa quête d’unité. Il a pu y faire naître, aux antipodes du corps héroïque, des corps totems, à l’exemple de Blopblop (20007) ou du Christ barbouillé (2007). Ces estampes ont la densité et l’efficacité de l’effigie. L’artiste ne les considère pas en rupture avec ces travaux précédents. Il y voit davantage la considération amplifiée du détail.
Yvon Le Bras
Historien de l'art